Merci la vie ! Alors que nous devions célébrer ce week-end la 6ème édition du Festival pour l’école de la vie à Montpellier (prochaine édition en 2023) je reçois samedi le trophée bonneheure.tv de l’éducation à la paix 2021 qui a eut lieu à la fédération française des clubs pour l’UNESCO organisé par Elaine Kibaro. https://bit.ly/3oeIbzZ. Un jolie clin d’oeil de l’univers n’est-ce pas !
Construisons les Futurs de l’Éducation !
En voilà, une tentative ambitieuse de repenser l’éducation et de contribuer au façonnement de l’avenir ! Lancés par l’UNESCO, ces Futurs de l’Éducation stimulent le débat mondial sur la manière dont l’éducation, l’apprentissage et le savoir doivent être mis en œuvre dans un monde de plus en plus complexe, incertain et précaire. Nous avons apporté notre contribution à la réflexion, aux côtés de professionnels reconnus pour leur pertinence (lire encadré). Nous vous livrons ici l’essentiel de nos échanges.
Notre monde en mutation : comment envisager l’avenir ?
Quand nous pensons à 2050, qu’est-ce qui nous donne le plus d’espoir ? Qu’est-ce qui nous préoccupe le plus ? Nous retrouvons principalement l’inquiétude d’un éloignement de plus en plus important avec la nature. En effet, comment peut-on envisager une éducation déconnectée du vivant alors que cela constitue la base de tout ? Dans ces interrogations sur l’avenir, viennent également la question de la solitude de nombreuses personnes et de la santé mentale qui se dégrade, ou encore de l’irresponsabilité et du manque de civisme de certains face à notre planète malade. Comme le rappelle Laure Reynaud, « 2050, c’est demain, il y a urgence à en prendre soin. » Autant de choses qui rappellent combien il est important dès le plus jeune âge, d’apprendre ce qu’est le vivre ensemble et de l’expérimenter au quotidien. Cependant, tous les participants s’accordent sur un point : l’optimisme. Car même si nous vivons actuellement des bouleversements sanitaires, écologiques, sociaux ou encore religieux qui sont inquiétants, ils sont également une invitation à tout repenser. En effet, il faut parfois être au pied du mur pour engager le changement, et la prise de conscience de l’urgence de la situation peut être une très belle opportunité.
En effet, comme le remarque Caroline Sost dans ses rencontres quotidiennes, de plus en plus de personnes engagent des changements plus rapides qu’avant, pour se créer une vie qui a du sens, et cette accélération est réellement encourageante. D’autre part, Alexandre Jost et Laure Reynaud nous parlent d’espoir en termes d’outils. En effet, nous savons d’un côté que les maladies psychologiques sont le fléau du 21e siècle, mais d’un autre, nous accumulons des connaissances, notamment grâce aux récentes études en neurosciences ou en psychologie positive, qui nous donnent de l’espoir. L’espoir de voir le bonheur être replacé au cœur du système éducatif, et d’en faire un principe fondamental qui guiderait l’élaboration de nos politiques d’éducation, en termes de programmes scolaires ou encore de formations des professeurs. Car même si le bonheur est quelque chose d’intangible et de subjectif, il y a des choses universelles qui peuvent être découvertes et développées à l’école, comme la gratitude, l’optimisme, l’empathie… qui ne sont pas des traits de caractères, mais des compétences que l’on peut entrainer comme des muscles. Ainsi, à la fois parce que l’on passe beaucoup de temps à l’école et parce qu’elle nous donne les clefs pour devenir ce que nous sommes, ce serait génial qu’elle nous enseigne ces compétences-là. En faire une priorité aujourd’hui, c’est préparer l’avenir de 2050 et rendre les citoyens de demain libres, responsables, sachant mieux communiquer et s’engager, et devenir les artisans de leur bonheur comme de celui des autres.
L’espoir tient également dans les choses simples, comme redonner la place et la parole à l’enfant dans le processus éducatif. Comme nous le rappellent Sophie Rabhi et Philippe Nicolas, chaque enfant possède un potentiel unique et énorme ! Et c’est précisément vers eux, les premiers concernés, que nous devrions nous tourner pour un avenir d’espérance, plutôt que de nous concentrer sur ce qui ne va pas. C’est une vraie clef que d’aider chacun à regarder à l’intérieur de soi pour découvrir son génie, ses forces uniques, et de l’aider à les mettre au service du bien commun. Leur permettre simplement d’être eux-mêmes dans la manière d’éduquer, et ne plus être dans une logique de soumission ou de compétition. Si chacun fait cela, c’est toute la société qui change !
Les finalités de l’éducation : quels objectifs collectifs pour 2050 ?
Un point essentiel ressort de ces échanges : mettre l’éducateur au cœur du changement. En effet, nous ne pouvons transmettre à un enfant des choses que nous ne ressentons pas nous-même. Il y a donc de réels progrès à faire dans la formation des enseignants. En les encourageant à prendre d’abord soin d’eux-mêmes, en dialoguant, en les rémunérant à leur juste valeur, en renforçant un climat scolaire positif, en redonnant du sens à leur mission qui leur tient tant à cœur, tout simplement. Concernant ces objectifs collectifs, nous pouvons les distinguer en trois points interdépendants :
- La juste relation à soi : Comment être bien avec les autres si on ne l’est pas soi-même ? Une des grandes finalités de l’éducation est de permettre à chacun de pouvoir prendre conscience de son potentiel et de le réaliser, à tout âge. Car chaque individu devrait avoir la chance de comprendre qu’il a de la valeur. Ainsi, il est urgent de remettre le rêve et les aspirations de chacun au cœur de l’éducation. Philippe Nicolas nous encourage à réfléchir à ce qui fait briller les yeux des élèves, et il est convaincu que la vérité se trouve ici. Mais pour être capable de donner quelque chose à autrui, il faut se l’être donné à soi-même. Et c’est ici que la place de l’éducateur est primordiale. Car dans les finalités de l’éducation, les premières personnes à prendre en compte sont celles qui transmettent, et non l’inverse.
- La juste relation aux autres : Nous sommes des êtres de relations, et l’éducation doit encourager cela. Nous co-construisons le monde de demain tous ensemble, et c’est pour cela qu’il faudrait bannir toute forme de compétition entre élèves, mais au contraire, encourager la coopération, par la pédagogie de projet par exemple, qui fait de vrais miracles dans les salles de classes. Comme le souligne Sophie Rabhi, la vie et l’avenir de nos enfants ne devraient pas résulter d’un programme issu du mental d’un groupe d’adultes donné. Car nous sommes tous des experts dans un domaine, et chacun devrait pouvoir apporter sa pierre à l’édifice d’un monde et d’une éducation meilleure. Notre société est trop focalisée sur la réussite personnelle, alors que nous avons besoin, au contraire, de rappeler la joie d’apporter un plus dans la vie des autres. Le génie n’a pas de sens s’il n’est pas au service des autres !
- La juste relation au tout : L’éducation ne peut être dissociée du vivant. Nous en avons besoin pour être heureux. La nature est une source d’apprentissage formidable, mais nous en sommes complètement coupés à l’école. En résultent des immenses manques de connaissances sur l’écologie, l’alimentation, la biodiversité… Alors que ce sont les premières choses que nous devrions apprendre ! Et si le récit écologique peut être punitif, il peut également être extrêmement positif et joyeux. La nature apporte sérénité, émerveillement, responsabilisation, espoir, magie, découverte, créativité… elle apporte la vie tout simplement ! Une des grandes finalités de l’éducation de demain devrait donc être de multiplier les opportunités pour les élèves de se relier au vivant.
Plus généralement, la finalité de l’éducation ne devrait plus seulement viser le développement des connaissances, mais le développement des compétences humaines, et ce, tout au long de la vie.
Quelles implications pour l’apprentissage ?
Comment est-ce que la manière dont nous apprenons, la nature de ce que nous apprenons et les lieux où nous apprenons devraient changer dans le futur ?
- Sur les différentes manières d’apprendre, les pédagogies alternatives ont beaucoup à nous apporter. Pour exemple, Sophie Rabhi nous rappelle que Maria Montessori, il y a déjà plus de 100 ans, nous invitait à changer notre regard sur l’enfant, en prenant une position d’observateur, et en faisant confiance à ses processus naturels. En effet, les enfants nous montrent le chemin, ils savent ce qu’ils veulent faire. D’autre part, Caroline Sost met l’accent sur une démarche plus globale dans la manière de transmettre. En effet, dans nos sociétés actuelles, tous les apprentissages partent du mental, alors qu’il faudrait plutôt prendre en compte la globalité de l’être, en liant tout harmonieusement, sans dissocier le cœur, le corps et la tête, et développer ainsi notre intelligence globale. Enfin, Philippe Nicolas nous rappelle qu’il n’y a pas de meilleur moyen pour apprendre que l’expérience ! On apprend en coopérant, en s’inspirant les uns et des autres, et à travers un même projet, nous pouvons voir toutes les matières. Ainsi, la manière d’apprendre peut réellement être transformée si l’on pense les contenus de façons transversales et pluridisciplinaires.
- Concernant le contenu des apprentissages, tous les intervenants sont d’accord sur le fait que les compétences humaines, sociales et émotionnelles devraient être enseignées à l’école. Les savoirs, mais également les savoir-faire et les savoir-être ont toute leur place dans les programmes scolaires. Il est important d’apprendre à communiquer efficacement, à gérer son stress et ses émotions, à être empathique, à se connaître, à régler des problèmes…et même d’apprendre à apprendre ! Caroline Sost nous témoigne que dans son école, des matières ont été mises en place telles que Apprendre à s’affirmer plutôt qu’à réagir, Comment résoudre des conflits ?, Développer un bon repère intérieur… et ceci est révolutionnaire pour les élèves ! Des choses très pragmatiques de la vie quotidienne prendraient également beaucoup de sens dans les programmes, comme le rapport à l’argent, à la réussite, la démocratie, la religion, la sagesse, ou encore la cuisine, la couture, la gestion de l’aspect administratif. Enfin, l’accent devrait être mis sur la créativité : c’est un véritable enjeu pour demain que de faire prendre conscience à chaque élève qu’il peut être créateur de sa vie, et ainsi, être acteur de ce monde.
- Quant aux lieux d’apprentissage, une notion clé ressort de cet échange : l’école d’aujourd’hui est trop cloisonnée et pas du tout représentative de la vraie vie. Tout le monde est entre quatre murs, sans se rencontrer. Or, l’école devrait être ce lieu d’ouverture qui crée du lien. Pour cela, les intervenants imaginent une disparition de l’école telle qu’on la connaît au profit de lieux plus ouverts. Sans penser à de grandes révolutions, il serait très intéressant de faire le lien avec l’environnement de l’école : la maison de retraite, la salle de danse, les espaces verts, la boulangerie… C’est en étant connectés que nous apprenons le mieux, et l’école devrait nous permettre de sortir de nos limites pour aller rencontrer un nouveau mode de vie, qui nous permettrait d’élargir nos modes de pensées. Les intervenants se rejoignent également sur une nécessité à l’école : la présence de la nature. C’est notre milieu d’origine et il est primordial de la faire rentrer à l’école, et d’apprendre dans des lieux vivants. Ceci peut passer par plus de sorties scolaires, par la création d’espace de permaculture au sein de l’école, par l’intégration de la biodiversité dans chaque matière… Les créateurs du monde de demain sont aujourd’hui dans les écoles, et il est urgent qu’elle soit représentative d’un monde plus juste.
D’ici la fin de l’année 2021, l’UNESCO va publier son rapport qui servira de programme de concertation politique et d’action pour les décideurs.
Retrouvez l’échange complet dans la vidéo Youtube : UNESCO/Les futurs de l’éducation/ Sophie Rabhi, Caroline Sost, Alexandre Jost, Philippe Nicolas
Pour en savoir plus : https://fr.unesco.org/futuresofeducation/
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